Menu

L’infolettre n° 43 – juin 2025

L’autoédition : une révolution pour les auteurs indépendants ?

Par Pascal Delugeau

L’édition traditionnelle : un monde exigeant et difficile d’accès

Avant de parler d’autoédition, il est essentiel de comprendre ce qu’est l’édition traditionnelle. Dans ce modèle, un auteur soumet son manuscrit à une maison d’édition. Si le texte est retenu, l’éditeur prend en charge la publication, de la correction à la diffusion, en passant par la création de la couverture, la promotion et la distribution de l’ouvrage, en librairies et sur les plateformes d’achat en ligne. L’auteur signe alors un contrat d’édition, et perçoit des droits d’auteur, aux alentours de 10 % du prix de vente HT.

Ce système, qui a longtemps constitué l’unique voie d’accès au marché du livre, repose sur une forte sélection éditoriale. En effet, les maisons d’édition reçoivent chaque année des milliers de manuscrits, mais n’en publient qu’une infime partie. Il n’est pas rare qu’un auteur essuie des dizaines de refus, sans explications, malgré la qualité de son travail.

Ce filtrage a ses raisons : les éditeurs prennent un risque financier important et doivent faire des choix en fonction de leur ligne éditoriale, des tendances du marché et de leur calendrier de publication. En d’autres termes, les éditeurs misent sur un livre dans l’espoir que sa vente produise des bénéfices. Mais pour de nombreux auteurs, ce système est synonyme de frustration, d’attente interminable et de portes closes.

L’autoédition : une alternative libératrice

Face à ces difficultés, l’autoédition s’impose comme une solution accessible et libératrice. Ce mode de publication permet à tout auteur de diffuser son livre sans passer par les maisons d’édition. Grâce aux plateformes numériques telles que Amazon KDP, Kobo Writing Life, Bookelis ou encore Lulu, publier un roman, un essai ou un recueil de poésie est aujourd’hui à la portée de chacun.

Cette vulgarisation a ouvert les vannes de la créativité littéraire : plus besoin de plaire à un comité de lecture ni de correspondre à une ligne éditoriale. L’auteur est libre d’écrire ce qu’il veut.

Les atouts de l’autoédition

  1. Totale autonomie : l’auteur décide du contenu, de la mise en forme, du prix, et conserve l’intégralité de ses droits ;
  2. Marges plus importantes : les plateformes d’autoédition reversent jusqu’à 70 % du prix de vente à l’auteur, selon le format et le canal de diffusion ;
  3. Rapidité de publication : là où l’édition classique demande parfois des années, un livre peut être publié en quelques jours en autoédition ;
  4. Possibilité d’évoluer : l’auteur peut ajuster la couverture, le contenu ou le prix de son livre à tout moment, selon les retours des lecteurs.

Les défis à relever

Mais cette liberté a un prix. L’auteur autoédité doit endosser tous les rôles que prend en charge un éditeur classique :

  • correction et relecture : négliger la qualité du texte peut nuire à la crédibilité de l’œuvre ; 
  • mise en page et couverture : une présentation soignée est essentielle pour attirer l’œil et refléter le sérieux de l’auteur ;
  • promotion et marketing : faire connaître son livre est souvent l’étape la plus difficile. Cela implique de créer une présence en ligne, d’organiser des séances de dédicaces, voire de solliciter des chroniqueurs littéraires ;
  • gestion administrative : ISBN, dépôt légal, déclaration des revenus, l’auteur est aussi responsable de la partie légale et fiscale de son activité.

De nombreux auteurs font appel à des correcteurs ou à des agents littéraires indépendants. Ils trouvent auprès de ces professionnels l’accompagnement nécessaire, mais tarifé. Par ailleurs, certains se regroupent en associations pour gagner en efficacité par le partage des expériences et des réseaux des uns et des autres.

Une voie de plus en plus reconnue

Malgré les efforts qu’elle exige, l’autoédition gagne en légitimité. Certains auteurs, comme Agnès Martin-Lugand, Marc Levy ou encore Hugh Howey, ont d’abord connu le succès en autoédition avant d’être repérés par des éditeurs ou traduits à l’international. D’autres choisissent sciemment de rester indépendants, séduits par la liberté et l’autonomie que confère ce statut.

Les lecteurs, eux aussi, changent de regard : ils jugent un livre pour sa qualité, non pour son mode de publication. Certains romans autoédités rivalisent aujourd’hui avec les meilleures ventes des grandes maisons.

L’autoédition n’est pas une solution de facilité, mais une alternative sérieuse et exigeante à l’édition traditionnelle. Elle redonne le pouvoir aux auteurs, tout en les responsabilisant pleinement. Dans un monde littéraire en mutation, où les voix se diversifient et les formats évoluent, l’autoédition incarne une nouvelle ère du livre, ouverte, dynamique et inclusive.

Un personnage de fiction exerçant le métier d’écrivain public : Les Victorieuses, de Laetitia Colombani

Par Muriel Rouch

J’ai découvert Les Victorieuses grâce à des collègues, lorsque je travaillais comme assistante administrative. Curieuses de ma reconversion, elles me questionnaient souvent sur la licence professionnelle d’écrivain public que je suivais à l’Université de Toulon. Je leur parlais des enseignements, des études de cas, de la posture professionnelle, des enjeux humains et sociaux de ce métier… L’une d’elles m’a parlé de ce roman. Puis une autre. Et encore une autre. Toutes l’avaient lu, toutes l’avaient aimé — et toutes m’ont dit la même chose : « On dirait toi, on dirait ta formation. »

Étonnée qu’un roman puisse avoir pour toile de fond l’activité d’écrivain public, je m’y suis plongée. J’y ai retrouvé ce que je commençais à percevoir : la réalité brute, sensible et profondément humaine de ce métier ; sa portée sociale, sa puissance discrète ; le rôle de passeur qu’il nous fait endosser, la nécessité d’écouter sans juger, d’écrire sans trahir.

Voici un bref résumé du livre.

Dans Les Victorieuses, Laetitia Colombani raconte l’histoire de Solène, brillante avocate frappée par un burn-out après le suicide d’un client. Effondrée, déconstruite, son psychiatre lui conseille de se tourner vers les autres. Elle répond à une annonce : on cherche un écrivain public. L’idée de mettre ses mots au service de ceux qui en ont besoin la séduit.

Lors de l’entretien, elle apprend qu’elle tiendra une permanence au Palais de la Femme, un foyer pour femmes en grande précarité. Réticente, car peu sûre d’être capable d’affronter cette réalité, elle finit par accepter.

D’abord déstabilisée par ce lieu et l’indifférence de ses résidentes, elle finit par trouver sa place. Peu à peu, les femmes viennent à elle, lui confient leur intimité. Même quand les demandes lui paraissent étranges, elle comprend qu’il ne s’agit pas de juger, mais d’offrir un peu de dignité. Elle découvre, voire redécouvre, le pouvoir des mots : une lettre bien tournée peut débloquer un remboursement, ouvrir une porte, redonner confiance. Elle expérimente un métier de l’ombre, exigeant et profondément humain, fait de silences, de larmes, de pudeur — mais aussi de rires.

En parallèle, le roman retrace l’histoire de Blanche Peyron, figure de l’Armée du Salut et fondatrice du Palais de la Femme dans les années 1920. Révoltée par la situation des femmes sans-abri à Paris, elle se battra pour leur offrir un refuge, un avenir.

Et vous, connaissez-vous un personnage de fiction exerçant le métier d’écrivain public ? Envoyez l’info au comité de rédaction !

Convention du Métier d’Écrivain Public Socionumérique – 16 mai 2025, Grenoble

Par Muriel Rouch

Le 16 mai 2025, Grenoble a accueilli la deuxième Convention du Métier d’Écrivain Public Socionumérique, organisée par EP&CO (collectif des écrivains publics socionumériques) en partenariat avec le CCAS de la ville. Des professionnel·les venu·es de toute la France se sont réuni·es pour partager leurs expériences, questionner leurs pratiques et penser ensemble l’avenir d’un métier encore trop peu reconnu, mais essentiel.

À la croisée de l’accompagnement social, de la médiation numérique et de l’écriture administrative, l’écrivain public socionumérique agit en proximité, dans une relation directe avec les usager·ères. Salarié·es ou indépendant·es, ces professionnel·les repèrent les situations de précarité, soutiennent les personnes en difficulté avec les démarches numériques, et rétablissent un lien entre citoyen·nes et institutions.

La convention visait à structurer EP&CO, rompre l’isolement des professionnel·les, et faire reconnaître ce métier au niveau national. Des ateliers d’intelligence collective ont permis de réfléchir aux moyens de valoriser la profession, d’intégrer les enjeux liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle, et de proposer des pistes concrètes pour accompagner l’évolution du collectif. Un site collaboratif a déjà été mis en place pour soutenir cette dynamique.

Parmi les temps forts : la présentation du modèle grenoblois, initié dès les années 2000 par le CCAS de la ville. Le témoignage des écrivaines publiques de Grenoble, qui assurent chaque année plus de 8 000 accompagnements dans les dix Maisons des habitants, a mis en lumière l’impact concret et durable du métier sur le terrain.

Autre moment fort : l’intervention d’Isabelle Doresse et Catherine Pajares y Sanchez, rapporteures de l’avis du CESE sur l’accès et l’effectivité des droits sociaux. Elles ont partagé leurs constats sur les obstacles rencontrés par les citoyen·nes pour accéder aux prestations sociales, inhérents aux choix des politiques publiques et des dispositifs mis en œuvre, et les recommandations faites au Gouvernement et au Parlement pour garantir la dignité et renforcer la cohésion sociale.

Dans un contexte de complexification administrative et de fracture numérique croissante, cette convention a réaffirmé le rôle de l’écrivain public socionumérique comme acteur de proximité, de justice sociale et de démocratie.

Les petites annonces de la profession

­Actualités du SNPCE

Le congrès annuel du SNPCE s’est déroulé à Paris le samedi 14 juin 2025, suivi par la tenue du conseil syndical.

­À cette occasion, le conseil syndical du SNPCE s’est en partie renouvelé. Trois nouvelles membres ont notamment été accueillies. 

Voici la nouvelle composition du conseil syndical : 

  • Christelle Desbordes, présidente ;
  • Karine Prempain, présidente adjointe ;
  • Sophie Macheda, secrétaire ;
  • Sonia Corvi, secrétaire adjointe ;
  • Isabelle Olivré, trésorière ;
  • Virginie Fierdepied, trésorière adjointe ;
  • Elisabeth Chauvin, Anaïs Ferrand, Annie Gerest, Florence Landois, administratrices.

Que les anciennes comme les nouvelles membres soient ici remerciées pour leur engagement précieux.

­Prochain conseil syndical du SNPCE

Le prochain conseil syndical du SNPCE aura lieu à Paris (75011) le samedi 11 octobre 2025, à l’Espace Hermès, de 9 h 30 à 13 h 30. Tous les adhérents à jour de leur cotisation sont invités à y participer.

Infolettre du SNPCE

­Vous aimeriez que le comité de rédaction traite un sujet en particulier ? Faites-nous part de vos envies, de vos idées. Nous les attendons avec impatience !

Si vous souhaitez intégrer le comité de rédaction de cette infolettre, n’hésitez pas à nous manifester votre intérêt. Le comité de rédaction s’adapte en fonction des contraintes de chacun(e) pour rédiger l’article de fond et les deux brèves de chaque infolettre.

­Votre contact : Sonia Corvi contact@soniacorvi.fr.